Musée Matra, un passé si riche !

Last updated on 1 décembre 2020

Si je pense au palmarès des constructeurs français en Sport Automobile, Renault en F1, Citroën en Rallye ou Peugeot en Endurance me viennent assez naturellement à l’esprit. Pourtant, dans les années 60 et 70, c’est Matra qui s’illustrait en piste. L’Espace Automobile Matra de Romorantin propose de découvrir – ou redécouvrir – ce riche passé sportif. Mais pas seulement …

Après avoir parcouru les différentes expos temporaires, entrons dans le vif du sujet avec la collection permanente : modèles de série, prototypes d’étude, monoplaces et bien sûr protos d’endurance, le passé de la marque est parfaitement représenté et particulièrement bien mis en valeur !

Je vous rassure, le musée conserve ses pépites à l’intérieur ! Hostile la nature …

Comme pour l’article précédent, inutile de vous pincez si la disposition semble changer… c’est bien le cas, puisque les photos sont issues de mes 4 visites à Romorantin ! 🙃

Les Matra de Série, de la Djet à l’Avantime

Je ne suis pas du tout spécialiste des années ’60 lorsque Matra Sport naît de l’acquisition/fusion avec René Bonnet qui produisait la petite Jet. Donc ce sera un résumé en photos ! Pour les plus curieux, vous pouvez trouver des infos en fin d’article avec les sources qui m’ont aidé à la rédaction. 😉

Puis vient 1984 ! Non, rien à voir avec le roman d’Orwell … il s’agit simplement de la sortie de l’Espace Renault. Fabriqué par Matra, il s’agit d’un succès commercial incroyable qui bouleversera durablement le paysage automobile !

Avec l’Espace, Renault inaugure un nouveau slogan « Les voitures à vivre ! » et crée un nouveau segment de marché : les monospaces.

En quelques chiffres :

  • 9 exemplaires de l’Espace 1 vendus le premier mois en Juillet 1984 puis 2700 jusqu’à la fin de l’année.
  • Le 500 000 ème Espace sortira des chaînes en 1996.
  •  Au total, ce seront 874 242 Espace 1 / 2 / 3 qui seront fabriqués par Matra entre 1984 et 2002 !

D’ailleurs, l’Espace servira de base aux deux plus beaux concepts du musée : Le Sbarro Espider, exposé en marge des 24H du Mans 1998.

Avec un simple saute-vent comme le Renault Spider !
Les doubles pots ovales chromés, tellement ’90s !

Mais surtout l’Espace F1 ! ❤

A-t-on vu engin plus incroyable que cet Espace 2 motorisé par le V10 3.0l Renault de la Williams FW15C de ’93 ? Pour l’occasion, le moteur est passé de 700 à 820 cv !!

Et parce qu’en ces temps de F1 Turbo aphones ça fait du bien d’entendre le hurlement d’un moteur atmo, replongez 25 ans en arrière avec le test de A. Prost sur le Circuit Paul Ricard !

Tout va bien donc pour Matra. Enfin, ça c’était avant le drame. Le double drame même … Renault décide de produire l’Espace 4 dans ses propres usines, Matra devant se consoler avec l’Avantime. Un Coupéspace au design audacieux qui tente de créer une nouvelle niche. Sauf que ce sera un véritable échec commercial avec seulement 8552 unités écoulées entre 2001 et 2003. Pourtant, qu’est-ce que j’aime cette ligne, surtout avec cette teinte Bleu Iliade !

Le 26 février 2003, Matra Automobile annonce la fermeture de son usine de Romorantin. Clap de fin … Personnellement, j’ai ressenti beaucoup d’émotion à chacune de mes visites du musée ainsi que lors de mes recherches. C’est triste … mais c’est la dure loi de l’industrie automobile.

Les Prototypes d’Etude

Le sous-sol abrite les prototypes et concept-cars, certainement la partie la plus surprenante du musée.

L’Espider est bien en évidence ! J’adore cette ligne également … bien plus sportif qu’un Range Rover Evoque Cabrio !

Ils démontrent l’imagination fertile – et parfois avant-gardiste – du constructeur et plus généralement le cheminement qui amène aux véhicules de série. Petite sélection très personnelle.

Coup de projecteur sur mon prototype préféré : la M25, pour fêter les 25 ans de la marque Matra Sport.

200cv, 675kg, 0-100km/h en moins de 5 secondes. Ça accélère bien plus fort que mon Opel Speedster !
Gabarit réduit, matériaux légers, pas de porte, le poids c’est l’ennemi.
L’aileron est imposant ? Non, juste ce qu’il faut pour une table de pique-nique !

Si vous êtes curieux sur l’histoire de ce proto, ses détails techniques, vous serez comblé par la lecture de cet article : Matrarama – La Matra M25.

Ainsi s’achève notre visite du sous-sol, qui réserve encore bien d’autres surprises aux visiteurs et notamment des films d’époque très détaillés et instructifs !

La salle des moteurs

A l’étage principal se trouve un couloir obscur … où seul les moteurs et autres pièces mécaniques sont magnifiquement mis en valeur, du premier V12 MS9 de ’68 au MS81 de ’81 ! Je ne suis pas un grand mécanicien mais il faut admettre que c’est superbe !

Les férus de mécanique seront comblés !
Le premier V12 Matra, la naissance d’un mythe !

Je vous encourage à laisser la musique de la vidéo ci-dessous en fond sonore pour la suite de l’article. D’une part c’est bon pour les oreilles, et d’autre part vous vivrez l’expérience telle que je l’ai vécue puisque la mélodie du V12 nous accompagne et résonne durant toute la visite !

La transition est idéale pour passer au volet Compétition.

Matra, champion du monde de F1 en ’69

Préambule pour les historiens de la marque et les érudits du Sport Auto : si une erreur s’est glissée dans le texte, je vous remercie par avance de m’en informer pour pouvoir apporter les corrections nécessaires. 😉

« La Formule 3 pour apprendre, la Formule 2 pour s’aguerrir, la Formule 1 pour s’imposer ! ». Tels étaient les mots de J-L Lagardère lors de l’engagement de Matra Sport en compétition. La mise en scène du musée illustre parfaitement cela avec 3 modèles alignés sous cette fameuse citation.

MS1 (F3 ’65) suivi de MS5 (F2 ’66) et enfin MS11/12 (F1 ’68)
C’est pas gros une F3 !
Une des rares Matra « non bleue ». Cette F2 a été engagée par le Team Coombs en ’66 à Rouen.
Autre association, avec Ken Tyrell cette fois-ci. Stewart au volant, le trio magique était déjà constitué en F3 et F2 !

J’ai eu l’occasion de le voir cette année au GP de France Historique, les F2 de cette époque sont très proches des F1, parfois même également en terme de performances ! Ainsi bardées des premiers ailerons – ma période préférée en F1 côté style – on pourrait confondre !

Par chance, c’est marqué sur le museau de cette MS7 ’69.

En ’68 c’est le grand saut en F1 avec 2 monoplaces. La MS11 sera motorisée par un inédit V12 maison pour l’écurie officielle Matra Sport, tandis que la MS10 de l’équipe de Ken Tyrell, Matra International, sera propulsée par le fameux V8 Cosworth DFV.

L’époque des F1 cigares !
Les grandes orgues pour une symphonie en V12 majeur !

Mais les résultats de cette version 12 cylindres ne sont pas à la hauteur. Avec l’idée de gagner au plus vite, en ’69 tous les efforts seront concentrés sur les monoplaces équipées du V8 américain, J. Stewart ayant fini vice champion en ’68. Au terme d’une saison très bien maîtrisée, l’écossais obtient son premier titre de Champion du Monde avec 6 victoires sur 11 GP. J-P Beltoise, collectionnant les places d’honneur et 3 podiums, permettra en plus à Matra International de s’offrir le titre constructeur. Une première pour un châssis français !

Objectif atteint, dès la 2ème saison de F1 ! Impensable de nos jours …
Stewart devant et tous les autres derrière !

En ’69, Stewart ne semble pas vraiment disposé à utiliser le V12 Matra. Pour quelles raisons ? Manque de couple ? lourd et gourmand ? ou plus simplement des questions de sponsoring – Stewart ayant un contrat avec Ford ? Finalement, l’équipe de Ken Tyrell se tournera vers March avant d’avoir son propre châssis pour la saison ’70. Côté français, le V12 a été réétudié et devient MS12.

Les trompettes d’admission sont désormais centrales.

J-P Beltoise passera près de la victoire à Charade mais une crevaison mit fin à ses espoirs.

La MS120 ’69 est au 1er plan, à gauche.

Lors de mes recherches, j’ai été très surpris de découvrir à quel point le châssis Matra était performant. Son V12 a acquis ses lettres de noblesse essentiellement en Endurance, tandis qu’en monoplace, c’est surtout les qualités de tenue de route qui étaient saluées. La technique du châssis coque riveté (comme Ferrari et Lotus à l’époque) mais dont les pontons – servant de réservoir et accueillant les conduits de refroidissement – était cloisonnés permettait légèreté et rigidité. A ce propos, je vous propose cet article très instructif – et superbement illustré – sur la restauration de la MS1 ’65 de F3 : RB Magazine – La Matra qui a ouvert la voie.

Et oui, en monoplace, Matra c’est avant-tout un châssis extraordinaire !

Seulement à partir de la saison ’70 les réservoirs souples sont obligatoires en F1 pour des questions de sécurité. Ils sont censés résister au choc et éviter l’embrasement avant que le pilote ne se soit extrait de la monoplace. Mais ceux-ci sont incompatibles avec les pontons cloisonnés à la base du concept Matra. Cela complique d’autant plus la tâche des ingénieurs déjà bien occupés avec la mise au point du moteur.

En ’71 et ’72, le grand Henri Pescarolo sera remplacé par Chris Amon qui aura 2 opportunités de victoires. Alors en tête à Monza en ’71, sa visière s’arrache. A Charade en ’72, c’est une crevaison –  comme Beltoise en ’70 – qui le prive d’un succès qui lui semblait promis. Fin ’72, Matra se retire pour se concentrer sur l’endurance. Le V12 ne gagnera pas en F1… en tout cas pas dans un châssis Matra !

La MS120D ’72, dernière F1 Matra

En effet, après 2 courses avec Shadow en ’75 – 2 abandons – ce moteur à la sonorité unique reviendra avec Ligier de ’76 à ’82.  A la clé, 3 victoires de Jacques Laffite !

La Ligier JS9 ’78. Laffite obtiendra un podium en Allemagne (3ème)

Pour prolonger le plaisir des yeux dans cet espace monoplace, quelques vues d’ensemble !

Vous avez dit Bleu de France ?!
Déjà un demi-siècle et pourtant, le souvenir est encore bien présent chez les passionnés de F1 !

Après l’obtention du graal en F1, tous les efforts se tournent vers l’endurance : Objectif Le Mans !

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce fameux trio Matra / Tyrell / Stewart, je vous recommande la lecture de cet excellent article : Classiccourses.fr – Jackie Stewart

Matra, Triple vainqueur au Mans

Endurance mais … sur route. La marque est sur tous les fronts de la compétition et fait courir 2 protos MS650 du Mans lors du Tour Auto ’70. Un coup de com’ qui s’avéra également un beau défi sportif : les routes de campagne sont quand même moins accueillantes que le bitume Manceau ! Finalement, elles tueront rapidement le suspense pour remporter un doublé ! L’expérience sera renouvelée en ’71 avec une nouvelle victoire à la clé …

Une Ligier JS2 fait déjà figure d’Ovni sur la route mais là on monte encore d’un cran dans le surréaliste !

Le musée regroupe l’essentiel – pour ne pas dire la totalité – des protos des 24H du Mans. C’est une période qui ne m’est vraiment pas familière alors je mettrai l’accent sur 3 modèles qui m’ont particulièrement marqué.

La MS640 est la première auto équipée du V12 Matra à se rendre au Mans en ’68. Les premiers essais sont prometteurs mais Henri Pescarolo s’envola sur la fameuse bosse de Mulsanne. Sérieusement blessé, sa convalescence dura plusieurs mois. Finalement, le modèle fut abandonné.

J’adore son look de soucoupe volante ! Ceci est une reconstruction de l’EPAF.

Vient ensuite la série des MS670 / MS670B / MS670C. J’avoue être perdu entre les différentes autos : elle change de configuration durant la saison, les modèles courant parfois en même temps bref … j’espère ne pas raconter d’histoire sur ces deux-là !

La Matra MS670B vainqueur du Mans en ’73
MS870C championne du monde en ’74. Elle me fait craquer avec ses yeux étirés !

Au final, sur la période ’72-’74 le palmarès de Matra dans le Championnat du Monde des Voitures de Sport est impressionnant :

  • 3 victoires consécutives au 24H du Mans ’72 (doublé), ’73 (1er et 3ème) et ’74 (1er et 3ème).
  • 2 titres consécutifs de Champion du Monde en ’73 ( 5 victoires) et ’74 (9 victoires sur 10 courses!).

A l’issue de cette saison triomphale, Matra se retire de la compétition. Pour les férus d’histoire qui seraient frustrés par mon récit, je vous invite à lire la série d’articles de News d’anciennes – Modèles à la Une : une vraie mine d’informations et d’anecdotes.

Toute la famille Matra du Mans, la dernière MS680 de ’74 au premier plan.

Parvenir au sommet en F1 et en Endurance en une petite décennie pour une toute nouvelle équipe, ça force le respect ! Je n’imaginais pas autant de succès et surtout aussi rapides et concentrés !

Alors, prêt pour l’aventure ?

Romorantin, c’est où ? Dans la région Centre Val-de-Loire. Ce n’est pas forcément la porte à côté, mais ce n’est pas au bout du monde non plus ! D’ailleurs, voici quelques idées pour compléter votre voyage.

  • Les Châteaux de la Loire sont peut-être sur votre chemin. Très beau souvenir de Chenonceau !
  • Le garage Avenir Automobiles, à Mur de Sologne, est seulement à quelques kilomètres. Ma visite en 2018 est à lire ici.
  • Le centre ville de Blois est plutôt joli, surtout de nuit et sous la pluie !
  • Si vous êtes passionné, le Conservatoire de la Monoplace, sur le site du Circuit de Magny-Cours, fera un superbe complément avec l’aventure Ligier à laquelle Matra fut associée avec succès !
Toute l’histoire Ligier en F1 dans un superbe écrin !

J’espère vous avoir donné envie de venir voir ce beau musée. Les expos temporaires sont des « excuses » idéales pour cela.

Sources : museematra.com ; matrarama.free.fr ; histoirauto.eklablog.com ; lemaire1957.net

@ bientôt pour de nouvelles Aventures Automobiles !

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10 Comments

  1. Benoit Brisefer
    11 janvier 2020
    Reply

    La ligne de la 530 fut une véritable révélation pour moi. Elle fait encore parti de mes design préférés.🌟

    • Sylvain
      12 janvier 2020
      Reply

      Question de génération, c’est plutôt l’époque de mon père ! Quoique la Murena évoque aussi quelques beaux souvenirs 😉

  2. Blacksrookie
    11 janvier 2020
    Reply

    tres chouette ! Demande une subvention à la mairie de Romorantin et au musée, ce serait mérité !Toujours les pbs d’affichages des commentaires des photos sur l’iPad.

    • Sylvain
      12 janvier 2020
      Reply

      Merci. J’ai transmis le lien au musée 😉 Pour les commentaires sous les photos des galeries, je ne me suis pas encore penché sur le sujet … 😕

  3. Alain
    12 janvier 2020
    Reply

    Un grand merci pour cet article. En plus des superbes photos. Un beau retour dans le passé !

    • Sylvain
      12 janvier 2020
      Reply

      Merci Alain, content de te compter parmi mes nouveaux commentateurs 😉

  4. Musée Matra
    13 janvier 2020
    Reply

    Un immense merci pour ce magnifique reportage! Nous le partageons sur nos réseaux.Et un grand bravo pour tout votre travail. Vos photos sont magnifiques!

    • Sylvain
      13 janvier 2020
      Reply
      Merci pour ce commentaire élogieux, une bonne façon de commencer la semaine ! Concernant les photos, elles sont garanties 100% sans trépied
  5. Jacques Steward
    13 janvier 2020
    Reply

    beau reportage ! belle visite, plus belle qu’une visite street view !

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